Par trois fois déjà, dans ces pages, j'ai tenté de capter votre attention sur une montagne que j'aime particulièrement : l'Obiou.
- L'Obiou montagne mythique
- Crash sur l'Obiou
- Crash sur l'Obiou : 60eme anniversaire - Mémorial de la Salette Fallavaux.
Il est temps de clore ce chapitre et je vous propose une petite ascension par la voie normale agrémentée d'un passage par les célèbres chatières.
Cet article n'est en aucun cas un "topo guide", de nombreux et très bons ouvrages décrivent de façon précise cette très belle et classique randonnée. Ici, je voudrais simplement vous transmettre un peu du plaisir que j'ai eu à escalader cette magnifique montagne.
Tout et son contraire a été dit sur les difficultés de cette randonnée. Pour certains, la voie normale est facile, accessible à tout bon randonneur. Pour d'autres la même voie est exposée, dangereuse, complexe...
Cette montagne est désirable, attirante mais mérite beaucoup de respect... Il est primordiale, avant de se lancer dans l'aventure que constitue son ascension de se renseigner sur la météo (attention aux glissades par temps de pluie), d'étudier l'itinéraire (ou de se faire accompagner), de vérifier sa forme physique et surtout de ne pas craindre le vertige...
Le parcours est exigeant, demande du calme, du sang froid et d'avoir le pied sûr.
La progression n'est jamais très difficile, cependant certains passages sont "délicieusement aériens" et sur de nombreux secteurs du parcours aucune erreur n'est permise... L'itinéraire présente plusieurs difficultés : les gradins du col sont très raides, les chutes de pierres y sont fréquentes. Les dalles, les vires et les corniches ne pardonneront aucun faux pas... Les assurages sont pratiquement inenvisageables. Mais une bonne part du plaisir réside aussi dans ce petit surplus d'adrénaline qui fait paraître le paysage encore plus beau !
La marche d'approche, dans le vallon et au creux du bénitier, permet de se mettre dans l'ambiance. Peu à peu le petit Obiou semble diminuer au profit de son grand frère. Le col (parfois appelée l'épaule) semble à portée de mains. Pourtant, bientôt, le sentier ne fera pas dans le détail. Il tirera son trait tout droit dans les caillasses pour rejoindre un joli système de strates (premier passage délicat) qui ira en se redressant et permettra de rejoindre l'épaule.
Petit à petit le vide se creuse et la crête de la Laisse semble rapetisser pour laisser apparaître le massif des Ecrins noyé dans une mer de nuages.
Peut-être pourrez-vous repérer la Muzelle, la Barre des Ecrins ou l'Olan.
Une petite pause s'impose au col...
Après avoir repris votre souffle tournez donc la tête vers l'objectif du jour :
La grande tête de l'Obiou semble écrasée par l'effet de la perspective. Pour autant elle en impose... Quelle masse!
Voici, indiqués approximativement, les itinéraires classiques d'accès :
En vert la voie normale qui bifurque vers l'ouest par les "dalles" ( passage exposé et assez impressionnant) et en jaune l'itinéraire qui mène vers les chatières.
A l'assaut!
Première astuce du parcours : emprunter une faille étroite qui permet de s'insinuer dans la première barre rocheuse qui ceinture la citadelle :
La sortie débouche sur la grande vire Est, aux pieds d'une nouvelle falaise à suivre vers le Nord.
On rencontre bientôt le campanile.
Il faut alors continuer à longer la falaise vers la droite jusqu'à l'angle de la face nord-ouest, revenir sur ses pas, gravir des gradins et remonter un couloir vers la première chatière.
A suivre et en escaladant ce couloir on arrive aux pieds d'une nouvelle étroiture. Le passage est vraiment très étriqué et il faudra enlever le sac à dos pour progresser (éventuellement rentrer le ventre aussi!).
Après quelques mouvements d'escalade et de reptation dans le couloir on sort à deux pas du sommet.
Vous êtes devenu un héros! Vous avez "vaincu" l'Obiou (qui rigole bien de vos exploits!)
Il est temps de profiter du moment : regarder, savourer le fantastique panorama qui se dévoile sous vos yeux .
Votre regard pourra, par beau temps, porter du Mont Ventoux au massif du Mont-blanc et au Viso.
Les Ecrins se développent en majesté dans un incroyable foisonnement de sommets et de pics...
La Muzelle, l'Olan, la Barre des Ecrins...
En vous retournant le Pic de Bure.
Et la montagne soeur de l'Obiou : le Grand-Ferrand...
Et puis avec un peu d'imagination vous verrez, comme moi, la méditerranée et les voiles blanches des bateaux qui rentrent dans le port de Marseille...
Le sommet une fois atteint la pause casse-croûte est obligatoire !
Evitez les barres chocolatées et tous les trucs modernes pour sportifs, mastiquez longuement un bon murçon matheysin, continuez par un saucisson maison fait avec les cochons de la ferme du Thau . Taillez-vous un gros morceau de Sassenage, de Col Vert ou de tomme des lacs... Accompagnez le tout d'un petit vin des Fayettes (faut quand même être du pays!) ou d'un bon Beaujolais amoureusement transporté jusqu'ici par votre compagnon de promenade...
La descente peut se faire par l'ouest (voie normale). Cette option permet de faire une boucle autour du sommet.
On progresse à deux pas du Malpasset ...
Certains passages surplombent de magnifiques clochetons et pas mal de "gaz".
Le regard est irrésistiblement attiré par les immenses étendues de pierres des combes Fuvelle et de la Prison.
Les étranges mouvements de terrains visibles sur les pierriers (on dirait par endroit que les éboulis sont ébullition) sont dus au phénomène des glaciers de pierres :
La fonte des neiges accumulées à la mauvaise saison s'infiltre dans les éboulis et en profondeur retrouve une masse de glace qu'elle augmente... Petit à petit les diverses contraintes souterraines créent en surface ces surprenants bouillonnements...
Ces immensités totalement vierges de présence humaine sont peut-être les derniers bastions où peuvent encore s'exprimer en France le Wilderness.( Ce sentiment extraordinaire de sauvage, de liberté, de responsabilité). Le dernier endroit où le silence et la solitude existent encore ...
Pour combien de temps ?
Les dalles, la cravate. L'ambiance est aérienne, tous ces passages sont un vrai régal pour le randonneur...
Bientôt le col du Petit Obiou et la retenue du Sautet :
Les raides gradins du col reviennent à la une de l'actualité : c'est vraiment une belle échelle de meunier!
Une petite vire sur la droite permet d'accéder à la grotte des Matheysins.
La cavité est exigüe mais elle recèle une belle vasque d'eau et une petite draperie de glace.
La randonnée tire à sa fin et il est possible d'effectuer une diagonale dans le pierrier pour gagner plus rapidement le Pas du Vallon...
Voilà une journée que vous n'oublierez pas de sitôt !
Le guide de randonnées "TRIEVES PAYS DE LA MURE" édité chez DIDIER et RICHARD pourra vous aider à préparer votre balade.
Deux autres livres, déjà présentés auparavant, sont de véritables "bibles" et vous permettrons d'apprendre beaucoup de choses sur cette montagne si attachante.
Le guide de l'Obiou de Pierre Barnola
Du Mont Aiguille à l'Obiou de Pascal Sombardier (GLENAT)