C'est un véritable monument, dans la mesure où ce mot signifie l'exaltation du souvenir, que René Reymond a élevé à la mémoire des générations qui se sont succédé sur le territoire de Pîerre-Châtel, sa petite patrie matheysine, où passa en hâte Napoléon le 7 mars 1815, sur le chemin du " Retour ", et d'où était issu Pierre-François Allemand de Montrigaud, ce prêtre résolu, mort pour sa foi en Vivarais sous la Terreur.
Une monographie locale peut être sèche énumération des faits ou à travers leur évocation, œuvre de compréhension humaine; l'auteur de Pierre-Châtel hier et aujourd'hui, qui l'explique lui-même dans son Avant-Propos a opté pour la seconde formule; il a tenu, à côté de l'indispensable recours aux sources écrites, à faire une large part aux témoignages oraux, plus précieux que jamais à recueillir chez ceux qui ont beaucoup vécu, en ces temps de mutation générale et d'inconscient oubli du passé.
Un écueil que René Reymond a su éviter, est celui de la répétition fastidieuse des événements nationaux, que tant de signataires de monographies, pour encadrer leurs tableaux de la vie locale, utilisent souvent à des fins trop avouées de remplissage. Rien dans son livre qui ne se rapporte, hormis d'indispensables éléments de comparaison, à la vie de tous les jours dans cette commune-type du canton de La Mure, à la fois rurale et minière, microcosme dont le narrateur, dans un style aussi vivant, que châtié, nous restitue principalement pour les deux derniers siècles, l'aspect démographique, religieux et social. Avec une application, une méthode claire, une connaissance parfaite du milieu, qui font de cet ouvrage, élaboré depuis de longues années dans la ferveur que mettaient les Compagnons à modeler leur chef-d'œuvre, une Somme de tout ce qu'il importe de savoir sur Pierre-Châtel, son chef-lieu et ses hameaux (étudiés chacun de façon exhaustive), son lac (qui demeure encore en 1967 propriété privée), et sur tous ceux qui ont peuplé ce terroir, sur les responsables (administrateurs et curés) des intérêts matériels et spirituels de cette communauté matheysine. La Route Napoléon en traverse le chef-lieu dans toute sa longueur; nous sommes loin du temps où la diligence musardait aux arrêts, groupant autour de ses chevaux essoufflés les amateurs de nouvelles; aujourd'hui, un village, pour l'automobiliste pressé, c'est l'obligation, parfois consentie de mauvais gré, de rétrograder ses vitesses, pour repartir en trombe sans avoir rien vu... et la longue ligne droite à travers le marais, jusqu'à La Mure, invite à accé-lérer toujours plus.
Certes, déjà Pierre-Châtel, grâce à ses magnifiques horizons et à l'air pur de ses 900 mètres d'altitude, attirait sympathiquement les estivants. Puisse davantage encore ce beau livre bien dans la ligne des historiens matheysins disciples du vénérable chanoine Dussert, inciter touristes, promeneurs et toutes personnes sensibles aux leçons de l'Histoire, la petite comme la grande, à visiter, un tel précieux guide en mains, la commune dont René Reymond est le compétent secrétaire de mairie, et qui lui doit, pour l'hommage ainsi rendu, une indéfectible reconnaissance.
R. AVEZ
Directeur des Services d'Archives de l'Isère
Pourquoi cet ouvrage — ou plutôt cet essai ?
Tout simplement pour répondre, ou tenter de répondre, aux mille questions que nous nous sommes bien souvent posées — et que l'on nous a posées — au cours des années.
Après la publication de chacun de nos livres, nous recevons de très nombreuses lettres et visites de lecteurs, jeunes et moins jeunes, animés d'une saine et ardente curiosité et qui " désirent en savoir davantage ". C'est extrêmement sympathique. La conversation porte toujours sur les sujets les plus curieux et sur nombre de problèmes à résoudre : faits énigmatiques, insolites... Et c'est un peu ce qui nous a incité à entreprendre ce travail et amené à fouiller le passé dans des directions nouvelles parfois imprévues. Nous avons compulsé et déchiffré des monceaux d'archives, lu des centaines d'ouvrages, interrogé beaucoup de personnes et procédé inlassablement à des investigations systématiquement poursuivies.
S'il n'est pas exhaustif, le résultat de cette quête est en revanche très important : plus de 300 chapitres ou notices illustrés de 200 photos.
Tous les sujets ont été abordés. Il y en a pour tous les goûts, et nul doute que cette riche moisson n'apporte bien des connaissances nouvelles à la curiosité des lecteurs.
Pour notre part, nous nous sommes délecté en recueillant une prodigieuse information. Nous espérons qu'au fil des pages le lecteur y trouvera le même plaisir.
Nous lui serions reconnaissant de nous faire part de ses impressions et de proposer de nouvelles questions.
Pourquoi pas ! Le jeu est passionnant.
Cet ouvrage qui a nécessité de longues et difficiles recherches en France et à l'étranger en raison de l'extrême rareté et de la dispersion des documents subsistants, retrace la vie des Révérends Pères Capucins à La Mure où ils s'étaient installés au tout début du règne de Louis XIV jusqu'à la Révolution et que connurent cinq générations de Matheysins.Le bien que ces saints religieux firent à La Mure et à sa région fut immense Leur souvenir est resté vivant jusqu'à nos jours dans la mémoire collective des habitants L actuelle place des Capucins et le groupe scolaire du même nom qui occupe 1 emplacement de leur église disparue perpétuent leur souvenir. Jusqu'ici aucun livre n'avait été consacré aux Capucins. Le présent ouvrage comble donc une lacune et fait revivre un siècle et demi de leur histoire liée à celle de La Mure et de la Matheysine. Il relate de nombreux événements restés inédits De plus une soixantaine de reproductions de documents d'époque ou anciens tels que portraits peints ou gravés, tableaux, dessins, plans du couvent et de l'église, vue photographique du couvent prise en 1875 avant sa démolition, photos diverses, etc., illustrent magnifiquement cet ouvrage luxueusement présenté. Cette fresque qui enrichit notre connaissance de l'histoire locale, fera mieux ressortir toute 1 importance de l'audience populaire des Pères Capucins auprès des habitants de la Matheysine qui les avaient pris en affection, en reconnaissance de l'aide et de 1 amour qu'ils apportaient à tous, mais plus particulièrement aux plus humbles et aux plus démunis.
En 1987 paraissait Enigmes, Curiosités, Singularités. L'Insolite et le Fantastique dans les communes des cantons de La Mure, Corps, Valbonnais, Vizille, Clelles Mens et Vif.
Ce livre, qui sera bientôt épuisé, a obtenu un brillant succès, à tel point que dès sa parution nous avons reçu une importante correspondance et des visites de lecteurs nous engageant à publier un second volume dans l'esprit du premier... N'envisageant aucunement de publier un second livre, nous n'avions heureusement pas cessé de rassembler, pour notre seul plaisir, de nouveaux documents de valeur, des témoignages de qualité, des photos anciennes. C'est ainsi qu'a vu le jour ce nouvel ouvrage qui ne le cède en rien au premier en importance et en intérêt, puisqu'il renferme plus de notices et de chapitres que le précédent, nourris d'une très riche substance et illustrés de photos anciennes inédites, images fortes ressuscitant les aspects insolites, curieux et singuliers d'un passé révolu.
Cette fois-ci, 116 communes sont concernées puisque les cantons du Monestier-de-Clermont, de la Grave et du Bourg-d'Oisans ont été ajoutés sur les instances, O combien sympathiques, d'élus et de personnalités de ces cantons. Ce nouvel ouvrage est en quelque sorte une suite de celui paru en 1987. Tous les deux sont pour ainsi dire indissociables. Ensemble ils renferment environ 700 chapitres ou notices et 450 photos anciennes et constituent une sorte de petite encyclopédie régionale couvrant le quart du département de l'Isère et à laquelle on aura souvent recours.
Evoquer quelques centaines de points forts et les illustrer, chaque fois que cela a été possible, de photos exceptionnelles, nous a demandé un travail de recherche très important au terme duquel nous avons eu la satisfaction de recueillir une ample information.
Nous espérons que le lecteur sera, comme nous l'avons été nous-même en la découvrant, vivement intéressé par la riche et abondante matière renfermée dans ce recueil.
Les mines de La Mure étaient depuis longtemps les plus importantes des Alpes françaises. Le rapide développement de leur production ne faisait qu'augmenter les difficultés déjà rencontrées dans l'acheminement par la route du charbon extrait du sous-sol Matheysin. Ce sont ces difficultés qui incitèrent à la construction entre 1882 et 1888 du chemin de fer de Saint-Georges-de-Commiers à La Mure (S.G.-L.M.), considéré alors comme "l'un des travaux les plus grandioses que l'imagination humaine ait jamais osé rêver". On conçoit aisément combien exaltante pouvait être cette aventure à l'époque où les techniques de construction étaient encore très rudimentaires. Nous rappellerons d'abord, succinctement, les origines de nos mines d'anthracite qui, isolées dans un bassin montagneux au climat âpre et sévère, formaient un petit monde à part; puis, après les opérations préliminaires à la création du chemin de fer, nous retracerons alors son authentique et admirable histoire.
PREFACE
Grâce à un texte agréable et précis, grâce aussi à une illustration aussi abondante qu'exceptionnelle, un vide a été comblé. A la riche bibliographie consacrée à La Matheysine et à son pays environnant, il manquait une "petite histoire" de la plus remarquable de ses voies d'accès. Il est notoire que, d'où que l'on vienne pour atteindre le bastion matheysin, il faut vaincre une dénivellation importante à travers des sites aux caractéristiques géologiques et morphologiques telles, qu'elles ont toujours posé des problèmes ardus aux ingénieurs chargés de les résoudre. Si les réalisations routières se sont avérées difficiles, combien plus se compliqua la tâche quand il fut question d'un accès au plateau par chemin de fer ; ce sont les péripéties de cette épopée, et croyez-moi le mot n'est pas trop fort, qui nous sont contées avec esprit et enthousiasme par René REYMOND. Il faut, bien sûr, pour savourer pleinement l'aventure que nous fait revivre avec maîtrise René REYMOND, se replacer dans le contexte de l'époque. Il y a maintenant un siècle que le Conseil général de l'Isère décida le principe de cette réalisation, décision qui permit, en particulier, la mise en valeur des riches gisements d'anthracite du bassin de La Mure. Laissez-vous emporter par René REYMOND. Vivez dans le temps un voyage de choix qu'aux beaux jours vous pourrez revivre dans l'espace. Vous devrez au travail d'un Matheysin d'apprécier les véritables dimensions d'un ouvrage exceptionnel qui nous fut légué par de courageux pionniers. Mais revenons aux chapitres qui vont tenir votre attention en éveil. Que vous soyez Matheysin d'origine, ou que seul un hasard heureux vous ait mis cet album entre les mains, vous apprendrez avec intérêt ce que l'on sait de l'origine de l'exploitation de l'anthracite de La Mure, et de la " Laborieuse naissance " d'un projet ambitieux.
Des vues étonnantes de la réalisation de la ligne et de ses ouvrages d'art, évoqueront pour vous ces chantiers de la conquête d'une nature hostile, accumulant les difficultés comme pour mesurer la capacité créative des maîtres d'œuvre. Enfin on inaugure. L'évocation de ce 24 juillet 1888, tant par le texte que par l'illustration, a fait nos délices, je ne pense pas que l'on puisse rester insensible à cette fête qui traduit si aimablement la fierté et la joie de toute une population. Suit le chapitre qui étudie l'évolution du matériel roulant; il sera apprécié par tous ceux, et il sont nombreux, qui sont attachés à ces machines qui firent l'admiration de nos pères et, il faut bien dire, la nôtre. Le prolongement de la ligne de La Mure à Corps : une réalisation plus récente qui commence de façon tout à fait originale. Ne voyons-nous pas notre train qui sort de la gare et traverse l'agglomération de La Mure par ses rues les plus commerçantes et les plus animées ? Les patientes recherches de notre ami René REYMOND nous permettent d'admirer d'excellentes vues de ce tronçon, vous goûterez, j'en suis convaincu, les très précieux clichés de la réalisation du Pont de Roizon. Evidemment comme tous ses frères, le petit chemin de fer apporta sa contribution durant les années noires de l'occupation, et nous en connaissons plus d'un qui emprunta les wagons brinquebalants pour aller vers l'espoir et la liberté. Mais je vous laisse le plaisir de découvrir le contenu des autres chapitres. Une préface n'est-elle pas une forme d'entrée en matière ? Mais qu'elle me soit aussi l'occasion de dire à René REYMOND, combien c'est œuvre méritoire de recueillir les événements de notre histoire locale, et combien dans ce domaine il a déjà beaucoup travaillé. Qu'il en soit par mon entremise, cher lecteur, chaleureusement remercié.
J.HAUDOUR
AVANT-PROPOS
Le déchiffrement des hiéroglyphes en 1822 par Jean-François Champollion occupe une place unique parmi les exploits scientifiques du XIXe siècle en révélant l'Egypte ancienne au monde. L'Egyptologie, science éminemment française, venait de naître. Dès son jeune âge Champollion témoigna d'une étonnante précocité pour apprendre, ce qui lui permit de 1804 à 1807, à Grenoble où il avait rejoint son frère qui le prit en charge et suppléa ses parents pour ses études, celles figurant au programme du lycée et celles qui lui étaient personnelles. Il s'intéressa à l'arabe, au chaldéen, au syriaque puis au copte, au persan, au chinois... Cette précocité, cet intérêt qu'il manifestait pour l'Egypte s'accrut lorsqu'il fit la connaissance du préfet Jean-Baptiste Fourier, ancien commissaire près le Divan du Caire qui participa à la campagne d'Egypte avec Bonaparte et provoqua chez Champollion une admiration passionnée pour la terre des pharaons. Le climat intellectuel de Grenoble était alors tout imprégné d'un air égyptien. Lors du passage de Napoléon, à Grenoble en mars 1815 à son retour de l'île d'Elbe, l'Empereur et les frères Champollion firent connaissance. Napoléon s'intéressa vivement aux travaux de Jean-François et invita Jacques-Joseph à se rendre à Paris pour le charger d'élaborer des projets de réforme. Suspectés après Waterloo et traqués par les ultras, les Champollion furent exilés à Figeac (Lot). Dès 1807 Jean-François suivit à Paris les cours du Collège de France et de l'Ecole spéciale des Langues orientales vivantes, il y apprit et se perfectionna en une vingtaine de langues, se familiarisa avec le copte, tenta de déchiffrer la pierre de Rosette. Puis durant quinze ans, tout en publiant ses premiers travaux égyptologiques et en assurant ses fonctions de professeur et de bibliothécaire, il s'acharna à déchiffrer la pierre de Rosette qui lui livra enfin son secret en 1822, date mémorable, et lui ouvrit la voie. Durant une dizaine d'années il consacra tout son temps à ses travaux égyptologiques. Il se rendit en Italie puis partit pour l'Egypte où il pérégrina durant dix-huit mois avec l'expédition Franco-Toscane. Il en rapporta pour le Louvre une riche moisson de dessins, de documents, d'objets, de bas-reliefs, de sarcophages... Epuisé, malade, Jean-François mourut le 4 mars 1832 à l'âge de 41 ans. Son frère, gardien de sa mémoire et de ses travaux, publia en 1835 - 1845 ses Monuments sur L'Egypte et la Nubie. Nés d'une famille originaire du Dauphiné, les frères Champollion ont laissé un souvenir impérissable, en particulier dans le Lot, à Figeac leur pays natal et en Dauphiné, berceau de la science égyptolo-gique : le Valbonnais, Vif et ses " Ombrages " dans la propriété de famille Les Champollion, Grenoble, ville magique pour Jean-François, très attaché à " La Reine des Alpes " et aussi, bien entendu, Paris.
L'ouvrage et son iconographie. A l'occasion du 4e centenaire du siège de La Mure, René REYMOND, historien du Pays Matheysin, offre un nouvel ouvrage de qualité à ses nombreux et fidèles lecteurs. Au terme de longues et minutieuses recherches inlassablement poursuivies, l'auteur a réussi à retrouver de rares et importants documents et surtout — chance exceptionnelle — deux magnifiques plans inédits représentant La Mure et sa région au cours des opérations militaires de 1580 qui opposèrent Charles de Lorraine, duc de Mayenne, au huguenot François de Bonne, futur duc de Lesdiguières, " le vieux renard du Dauphiné ". Jusqu'ici ces plans, l'un fait dans le camp catholique, l'autre dans le camp protestant, avaient échappé aux recherches de tous les historiens de La Mure qui n'en soupçonnaient d'ailleurs pas l'existence. Et c'est ainsi que les lecteurs pourront voir pour la première fois une représentation exacte de la grande citadelle en forme d'étoile, construite sur la colline du Calvaire, citadelle " estimée des meilleures du monde " par un auteur du temps. Sur l'un des deux plans, si bien fait, écrit son auteur anonyme, qu'il semble qu'on voit les lieux-mêmes, on découvre avec surprise et non sans émotion La Mure ceinturée d'épaisses murailles. Toutes les maisons de cette époque y sont représentées. La contemplation de ces merveilleuses images surgies du passé après quatre siècles laisse rêveur. Il faut bien insister sur le fait que ces plans, outre leur aspect purement spectaculaire dans le domaine de l'image qu'ils donnent de La Mure en 1580, sont extrêmement précieux pour éclairer ou préciser certains points de notre histoire locale. Les lecteurs auront aussi la bonne surprise de découvrir dans l'ouvrage deux vues sommaires du château de Morges (Château-Vieux, à St-Jean-d'Hérans) et de la léproserie et sa chapelle, au bord de la Jonche. Il faut y ajouter un très beau dessin donnant un aspect de Susville en 1580, avec ses maisons aux toits d'essandoles et ses deux châteaux, déjà en ruine, de Roche-Paviote et de Breydens. Mais l'ouvrage renferme encore d'autres documents iconographiques de premier ordre : reproductions de rares portraits, de canons, de boulets, sans oublier une photo de l'armure heureusement retrouvée ! que portait Mayenne pendant ce siège mémorable. Avec ce nouveau livre qui fera date dans les annales, l'histoire locale et régionale s'enrichit d'éléments historiques inédits de grande valeur.
Extraits de la Préface du Général Jacques HUMBERT L'histoire du Dauphiné comporte trois sièges notables : celui de Livron (décembre 1574 - janvier 1575)... celui de La Mure en 1580, objet de l'ouvrage que nous présente M. René Reymond, de Pierre-Châtel dont il nous a donné récemment l'histoire, celui d'Embrun en août 1692.... De ces trois sièges, celui de La Mure est certainement le plus digne de mémoire en raison de l'importance et de la qualité des forces assaillantes et de la durée de la résistance. Il marque par ailleurs un tournant dans l'histoire des guerres de religion en Dauphiné et dans celle de leur héros, Lesdiguières. Aussi faut-il savoir grand gré à ^f. René Reymond de nous donner un récit circonstancié, mais aussi très vivant, étayé par les témoignages les plus authentiques et rendu parfaitement intelligible par les précieux documents topographiques qu'il a su découvrir au terme de patientes recherches. Lorsque, au printemps 1580, Henri III, exaspéré par le refus de Lesdiguières de consentir à l'application de l'édit de pacification signé à Poitiers l'année précédente, envoya une puissante armée commandée par le duc de Mayenne pour le réduire, quel était le territoire tenu en fait par le chef protestant ? Il embrassait en gros l'ensemble montagneux des Baronnies, du Diois, du Champsaur et du Gapençais que surveillaient de plus ou moins loin les places catholiques de Sisteron, Tallard, Embrun, Grenoble, Romans, Valence et Montélimar. Son noyau, à l'intérieur du polygone Die - Mens - Corps - Charges -Gap - Serre - Nyons, interceptait les communications entre Grenoble et la Haute-Provence. Le centre opérationnel en était Gap, dominé par la forteresse de Puymore, construite par Lesdiguières, qui en avait fait son arsenal et son quartier général. Sur la direction la plus dangereuse, celle de Grenoble, Lesdiguières s'était ménagé un avant-poste : La Mure... A la défense de La Mure, Lesdiguières avait consacré quelque huit cents hommes. Trop avisé pour s'enfermer lui-même dans la place au risque de faire succomber avec lui la cause protestante en Dauphiné, il se tint pendant le siège dans la région de Mens avec des forces mobiles pour " fatiguer " l'adversaire et renforcer au besoin la place. ...... Mais la suprématie de l'artillerie catholique était écrasante : dix-huit pièces dont douze lourdes, contre quelques rares pièces très légères... Lesdiguières n avait pas cru que l'on pût amener devant la place, par d'affreux chemins, tant et de si gros canons : Mayenne s'était assuré la " surprise technique ".
La garnison tint plus de quatre semaines. " Elle ne pouvait mieux faire ", dit Lesdiguières qui n'était pas homme à imputer ses échecs aux autres... En réalité, les bandes de Lesdiguières, armées à la légère, peu cohérentes et médiocrement disciplinées, étaient trop désavantagées dans une lutte régulière contre une armée aussi solide et organisée que celle de Mayenne, d'ailleurs fort bien commandée par ce chef jeune et ardent. C'est dans la guérilla, a elles familières, qu'elles avaient toutes leurs chances et il est permis de se demander si Lesdiguières n'aurait pas eu intérêt, au lieu de défendre La Mure, à laisser la lourde colonne de Mayenne s'enfoncer vers Gap dans les défilés des montagnes pour l'y harceler, l'y bloquer et la détruire en détail. Peut-être s'y serait-il résolu s'il avait pu prévoir la puissance de l'artillerie de Mayenne... On le voit, l'ouvrage de M. René Reymond offre à l'historien une riche matière. Mais tous ses lecteurs, même sans préparation spéciale, seront captivés par ce dramatique récit et trouveront, dans l'héroïsme déployé par les défenseurs de La Mure pour la sauvegarde de leur liberté religieuse, le sujet de sérieuses méditations
Général Jacques HUMBERT.