Edith Berger. Peintre du Trièves
Découvrir le Trièves à travers les oeuvres d'Edith Berger est une excellente façon de parcourir ce magnifique territoire.
Ultime terre préservée du Dauphiné, dernier bastion ayant résisté aux monstrueux désordres du progrès, il fait encore le bonheur des hommes par ses paysages, son harmonie, sa subtile beauté...
Edith Berger s'est imprégnée de ce haut pays si richement doté par la nature et le travail méticuleux des hommes. Elle a, saisons après saisons, récolté, engrangé et restitué dans ses oeuvres une part de l'âme de ce somptueux pays de montagne.
Elle disait : "Il me fallait du vent dans mes toiles, de l'espace, de la clarté... Tout dans le Trièves m'a renvoyé à l'essentiel, à ce que Giono appelait- Les vraies richesses-".
Le village de Lalley. Huile non datée.
Prébois et mont Ménil. Huile non datée.
Edith Berger et le Trièves : voila bien une rencontre qui nous renvoie à l'essentiel:
Notre émotion devant des paysages harmonieux à la composition et aux perspectives subtilement modifiées par le travail des hommes.
Notre joie de parcourir un territoire à peu près vierge des vulgarités ordinaires secrétées par les sociétés humaines modernes.
Notre sensation que tout ici est "en place" : le paysage, les villages aux toits d'écailles, les cultures dont les sillons épousent amoureusement la croupe des coteaux et les jardins entourant les maisons.
La maison en été. Huile non datée.
Mon jardin en été. Crayolor vers 1955.
Jean Giono, en une phrase, décrit ce sentiment d'équilibre : "Ainsi cette construction-là, avec ces quatre énormes montagnes où s'appuient le ciel, cette haute plaine du Trièves cahotante, effondrée, retroussée en houle de terre (...) ce constant appel de lignes, de sons, de couleurs, de parfums vers l'héroïsme et l'ascension, cette construction : c'est le cloître, la chartreuse où je viens chercher la paix (...) J'arrive mes montagnes!
Fermez la porte derrière moi."
J'ai déjà tenté dans ces pages, de vous transmettre mon attachement à un artiste- l'abbé Calès- qui m'a appris à apprécier l'harmonie, la composition, l'équilibre d'un paysage, à considérer la lumière et ses changements comme la matière première qu'un peintre (ou un photographe !) doit s'acharner à apprivoiser, à modeler, au même endroit le matin, le soir, saison après saison...
Calès m'a ouvert les yeux à la peinture. Il s'est emparé de sujets qui me sont chers (la montagne, la nature, le paysage) et il a durant des années été en quête de l'instant ou tout est en ordre. Ce moment d'équilibre esthétique ou tout est perfection...
Calès m'a fait découvrir qu'un tableau est la conjonction du temps (que l'artiste arrête) et de la lumière (que le peintre apprivoise et couche sur la toile)...
Peindre, photographier c'est clouer le temps au mur, arrêter l'horloge au moment ou la lumière est la plus belle. Ce n'est, en aucun cas la "piéger" ou la "capturer"...
Prenez cette vue du Grand Ferrand : il aura fallu organiser la journée de marche pour être là au moment ou le soleil éclaire la face ouest, patienter afin que le nuage n'accroche que les pointes, et se satisfaire de l'imperfection du résultat. Et déjà cette envie de revenir au même point et de tenter de faire mieux...
Et bien j'ai cru comprendre qu' Edith Berger jouait aussi avec le temps et la lumière...
Si Calès prend des "instantanés" Edith Berger, parfois, joue avec le temps qui s'écoule quand elle peint.
Voyez par exemple ces deux tableaux :
Les foins du grand champ. Huile 1948 (collection C. Pelous).
Les foins. Huile 1954?
"Je dessine le cheval et son maître à l'aller, puis au retour et tout le paysage ainsi s'anime."
Le temps s'est figé par deux fois sur la toile (à l'aller puis au retour) et par l'esprit le spectateur déroule une petite histoire entre ces deux repères. Le peintre n'est plus photographe, il devient cinéaste...
Je suis certain, maintenant, que vous imaginez sans peine le va et vient du cheval et du paysan!
Contrairement à ceux de Calès, les tableaux d'Edith Berger sont habités par les hommes.
Les travaux des champs.
Le pressage des noix.
Les commères 1930.
J'aime à penser que Jean Giono aurait apprécié que ce petit passage emprunté à son livre "Ames fortes" habille ce tableau représentant ces deux vielles femmes.
"- On ne voit plus de ce café comme dans le temps qui avait de petits grains si luisants.
- Il y en a à l'épicerie de Prébois.
- J'en doute.
- Je l'ai vu.
- Tu en as acheté?
- Je ne peux pas m'en payer le luxe.
- L'épicerie de Prébois elle comme l'épicerie d'ici. Elle se sert aux Galeries et c'est le même café.
- Mais ici la Marie le tient mal. Il est dans une caisse en bois. Il s'évente. Il faut le mettre dans une boîte en fer bien bouchée.
- Ca ne fait pas que les grains sont plus petits..."
Les portraits des paysans "âpres et doux".
Portrait du Zoïs, le bûcheron
Huile non datée collection du musée du Trièves
Sont autant de sujets de prédilections pour Edith Berger...
L'arrivée du printemps faisait la joie d'Edith Berger, elle en appréciait les verts tendres...
Mais quelle beauté aussi dans cette toile représentant un village en hiver.
Il y a la neige, le froid et les arbres dénudés mais le ciel tourmenté est lumineux et gai : on perçoit bien dans ce tableau que le Trièves est à la charnière des grandes Alpes et de la Provence.
Enfin elle a aussi peint de très nombreuses natures mortes...
Des fleurs :
Bouquet de fleurs Pastel non daté
Des légumes :
Nature morte au chou. Peinture à l'oeuf sur carton 1960?
Ce petit exposé, très incomplet, n'est à votre disposition que pour vous donner l'envie d'en savoir plus. Je vous conseille vivement la lecture des n° 7 et 10 de Mémoire d'Obiou. Vous y trouverez deux articles très documentés sur Edith Berger : Edith Berger, peintre du Trièves et Edith Berger, textes inédits écrits par Mr André Giraud.
On y trouve une multitude d'informations, des textes, des reproductions, une bibliographie...
D'ailleurs je ne désespère pas de pouvoir lire "Edith Berger, peintre du Trièves" et "Présence de Jean Giono et d'Edith Berger à Lalley-en-Trièves" par André Giraud aux éditions Aujard-blanchot!
Quelques informations supplémentaires grâce à cet article du Dauphiné Libéré daté de novembre 2000.
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